Contrat de rivière Dyle-Gette

vendredi 29 mars 2024

Quid du rempoissonnement ?

S’il est bien un sujet controversé dans le monde de la pêche, c’est celui dont nous allons parler : le rempoissonnement (ou opération de repeuplement).
Pourquoi, comment, dans quel contexte, quels sont les avantages et les inconvénients, nombreuses sont les questions soulevées, nous allons tenter d’y répondre. 
Quoi qu’il en soit, les activités liées à la pêche ont été identifiées comme une des pressions sur les cours d’eau dans les futurs plans de gestion par sous-bassins hydrographiques.  Il y a donc une réelle nécessité de trouver un équilibre entre les enjeux écologiques, économiques et sociaux.

Insistons sur le fait : c’est une présentation du concept et pas une prise de position… 

C’est le service de la pêche qui a la gestion des opérations de rempoissonnements. Ce service dépend de la Division Nature et Forêts de la Direction Générale de l’Agriculture, de la Ruralité, de la Nature et de l’Environnement (DGARNE).
Ses missions, au début de la constitution du service, comportaient surtout du contrôle des permis de pêche et des actions de la lutte contre la pollution, elles ont évolué au fil du temps.

En 2012, tout en gardant les missions ci-dessus, le service de la pêche gère (principalement avec d’autres services extérieurs) les inventaires piscicoles, remet des avis sur les projets qui interfèrent avec les cours d’eau et développe des collaborations avec les institutions qui mènent des projets de protection des milieux aquatiques (PCDN, Contrats de rivière, projet européen LIFE, école de pêche…).

Mais son fer de lance reste l’encadrement légal et le contrôle des rempoissonnements ainsi que la gestion des piscicultures domaniales, il y en a trois en Wallonie : Achouffe, Erezée et Emptinne.

Vous pourrez découvrir toute l’étendue de ses champs d’actions en suivant le lien : http://environnement.wallonie.be/dnf/servext/peche/index.htm

rempoissonnement2   Rempoissonnement

Le contexte

Le début du 19ème siècle voit les activités agricoles et industrielles se développer fortement avec son cortège de pollution qui met à mal la faune et la flore des cours d’eau.  La pression humaine sur les milieux devient problématique avec les rejets d’eaux usées aux cours d’eau et les modifications des caractéristiques naturelles des cours d’eau (construction de barrages, rectification des tracés…).
Pour tenter de reconstituer les populations piscicoles, on procède alors à de l’alevinage c’est-à-dire l’introduction de poissons sous la forme d’alevins dans les principaux cours d’eau. Ce sont surtout la truite, le brochet, le gardon et la carpe qui furent concernés par ces opérations.  Pour donner une maximum de chance de survivre à ces juvéniles, on mena une politique de destruction des prédateurs, c’est ainsi que la loutre et le héron disparurent de nos paysages.
Sur le long terme, cette politique d’alevinage échoua, en guise d’exemple : elle n’enraiera pas la disparition progressive et totale du Saumon atlantique dans la Meuse (réapparu par la suite grâce au projet Saumon 2000).

Après la guerre 40-45, la politique de repeuplement se poursuivit tout de même mais principalement pour la truite commune et ce afin de répondre aux besoins liés à la croissance du nombre de pêcheurs récréatifs en Belgique.
Toutefois, elle évolua vers l’introduction d’individus «pêchables» à la grande satisfaction des pêcheurs et des sociétés de pêche pour qui les manipulations sont beaucoup moins complexes à gérer.
Cette pratique engendra beaucoup de problèmes car certaines maladies véhiculées par des poissons malades furent introduites en milieu naturel et par extension en pisciculture.  Certaines espèces exotiques dont les besoins rentrent en concurrence avec ceux des espèces indigènes firent leur apparition.

La loi de 1954 sur la pêche fluviale avec notamment des conditions sur le déversement de poissons et d’écrevisses apporta une solution.  Ces pratiques furent désormais soumises à l’autorisation du Ministre de tutelle.  Les autorisations de rempoissonnements étaient délivrées par les cantonnements forestiers ensuite par le Service de la Pêche dès sa création.

Vers un changement de mentalité

Avec le développement de la «pensée écologique», le cours d’eau est considéré progressivement comme un écosystème à part entière et non plus comme le réceptacle de produits à pêcher.  Il ne s’en plaindra pas !

 Un changement radical est amorcé dans les mesures à prendre et plusieurs avancées en matière de politique sur le thème voient le jour :

1° Développer les connaissances des impacts des rempoissonnements, y compris les impacts génétiques, sur les milieux et la pêche.  
2° Adapter les rempoissonnements en fonction de la qualité et des spécificités du milieu récepteur. 
3° Mettre en œuvre des mesures de restauration des habitats.
4° Améliorer la qualité des poissons déversés.
5° Minimiser les impacts des déversements à des fins purement halieutiques.
6° Renforcer les moyens techniques de contrôle pour endiguer l’introduction d’espèces exotiques ou non souhaitées.
7° Installer un climat serein de dialogue entre tous les acteurs de terrain.

Certaines études menées sur la truite commune tentent à démontrer que les rempoissonnements affaiblissent les populations en place notamment par l’introduction de gênes étrangers de truite d’élevage (moins adaptée au milieu naturel).  L’objectif de soutien et de restauration n’est pas rencontré.
L’accent doit être mis sur la restauration de la qualité des habitats, seule solution à une amélioration durable de la situation.

Malheureusement, la pression de la pêche est toujours forte. En effet, des travaux d’études ont avancé les chiffres suivants : la productivité naturelle d’un tronçon de pêche est de 0,4 à 2,5 truites «pêchables» par pêcheur alors que la demande de «pêche» est de 16,6 à 25 truites.  Il paraît dès lors impossible, au risque de faire de nombreux mécontents, d’arrêter les rempoissonnements si on ne diminue pas les prélèvements pratiqués pour la pêche.

Des pistes de solutions existent

Le service de la Pêche prône plusieurs solutions, en voici les grandes lignes avec leurs forces et leurs faiblesses :

- Développer le «Catch and Release» (ou pêche sportive). Le poisson est rejeté ce qui apporte l’avantage de maintenir le nombre de poissons en place mais quid du taux de mortalité et du bien-être animal.  Une étude sur la mortalité post-capture et un règlement précis définissant les conditions de cette technique (temps en dehors de l’eau, type d’hameçon…) sont nécessaires;
- Une meilleure répartition spatiale et temporelle de la pression de la pêche :

  • en augmentant le nombre de tronçons de pêche, la densité de l’habitat et les zones protégées vont vite limiter les possibilités cette solution ;
  • en développant le principe de réciprocité des sociétés de pêche (convention passée entre plusieurs clubs de pêche qui permet aux pêcheurs d’utiliser n’importe quels tronçons de pêche des clubs qui font partie de la convention). Il n’est pas encore appliqué beaucoup en Belgique ;
  • en assurant une meilleure répartition dans le temps des rempoissonnements durant la saison de la pêche avec comme inconvénient d’augmenter les coûts de transport et la durée d’interactions avec les espèces indigènes. L’intensité des interactions est toutefois réduite puisque mieux répartie dans la rivière et dans le temps.

- Une amélioration de la qualité des poissons introduits quels que soient les objectifs : halieutiques ou de restauration des populations.
- Diminuer les impacts des rempoissonnements sur le milieu naturel en fonction des objectifs poursuivis :

  • ceux de soutien des populations : en veillant à introduire des individus élevés à partir de souche locale prélevée. Ces individus étant élevés en tenant compte des facteurs liés à une reproduction naturelle ;
  • ceux pour répondre aux besoins de la pêche : en veillant à la capture rapide des sujets introduits, en veillant à l’introduction d’individus de taille adaptée à la taille de ceux en place ou en introduisant des individus stériles.

Pour conclure, vous l’aurez compris, que ce soit pour maintenir ou restaurer l’état des populations en place à des fins de repeuplement ou de pêche, il est indispensable de tenir compte de la qualité du milieu récepteur.
Ce diagnostic est réalisé dans le cadre de l’élaboration et la mise en place des plans de gestions piscicoles tant attendus.
Ces plans seront intégrés dans de nombreux outils de gestion comme les Plans d’Actions Régionaux Intégrés sur les cours d’eau (PARIS).

N.B. : il existe également une autre technique pour soutenir les populations en place : la translocation.  Elle consiste en des prélèvements d’individus adultes dans un cours d’eau pour les introduire dans un autre qui présente des caractéristiques naturelles similaires.

Ce document est une synthèse de deux articles parus dans le dossier rédigé par Xavier Rollin du Service de la Pêche. Ce dossier a été publié dans la revue «Parcs et Réserves» n°67 – 1er trimestre 2012, voir le lien : http://ardenne-et-gaume.be/parcs.html

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