Un jardin de pluie à l’Université de Gembloux

Le 6 octobre 2023, une visite guidée était organisée dans le jardin de pluie de l’Université de Gembloux Agro-Bio Tech. Aurore Degré, professeur en hydrologie, physique des sols et conservation des sols, a expliqué à la quinzaine de participants l’historique et les objectifs du site.
Le but d’un jardin de pluie est de privilégier l’infiltration des eaux tombées du ciel, afin d’éviter leur évacuation systématique dans le réseau d’égouttage, lequel n’est cependant pas conçu à la base pour cette fonction.

Visite guidee du jardin de pluie par le professeur Aurore Degre

Visite guidée du jardin de pluie par le professeur Aurore Degré

Dans un système de collecte « habituel », les eaux de pluie sont en effet le plus souvent mélangées aux eaux usées. En cas de fortes précipitations, les égouts sont alors saturés et rejettent leur-trop plein dans les cours d’eau via des soupapes de sécurité automatiques installées à la jonction des égouts et du collecteur, appelées « déversoirs d’orage ». Avec l’imperméabilisation croissante des sols et la fréquence accrue des événements pluvieux intenses, les déversoirs d’orage (DO) rejettent de plus en plus souvent ces eaux, certes mélangées, aux cours d’eau. Il s’en suit des soucis de pollution, d’inondation et une plus faible recharge des nappes phréatiques. Quant aux stations d’épuration, elles réceptionnent des eaux d’égouts moins concentrées en polluants, ce qui réduit leur rendement épuratoire. Il eût été préférable d’installer, dès le départ, des réseaux d’égouttage séparatifs, ce qui aurait limité ces problèmes...

Aujourd’hui, on recherche donc à restaurer le cycle naturel de l’eau là où c’est possible, en évitant de l’évacuer trop rapidement vers les cours d’eau et les stations d’épuration, et en favorisant une meilleure infiltration des eaux pluviales dans le sol. Cela se fait via certains dispositifs techniques, comme les noues, les parkings semi-filtrants, les toitures végétalisées, etc.

Aurore Degré a constaté cependant que dans ce type de projets novateurs, en particulier pour ce qui concerne les noues, la capacité de stockage et le cheminement des noues et dispositifs assimilés ne sont le plus souvent choisis qu’en fonction de la pente et de l’aspect esthétique. En effet, il existe de nombreux autres jardins de pluie, comme à Bruxelles par exemple, mais il n’y a pas de prises de mesures précises concernant les débits et l’infiltration de l’eau dans le sol. Par ce fait, les noues ne sont pas encore bien documentées pour leurs aspects techniques, ce qui amène des problèmes de sous/surestimation des débits.

Vous l’aurez compris, le jardin de pluie de Gembloux pourrait contribuer à combler cette lacune. Le site a été aménagé dans le cadre du projet pilote « WASABI », sur un terrain non-bâti de l’Université situé entre l’Avenue de la Faculté d’Agronomie et la voie ferrée, afin de récolter un maximum de données.

Au départ, les étudiants forestiers ont réalisé une cartographie précise du relief du terrain avec un drone, afin de déceler avec précision les axes de ruissellement, sur les 5 hectares du projet. Les résultats ont montré que 3 zones de ruissellement se distinguent, et que finalement, seulement 2 ha de bassin versant sont repris dans un axe de ruissellement qui traverse le terrain destiné au projet et recevant les eaux issues d’espaces de parking et de toiture de bâtiments.

La construction des noues s’est déroulée à cheval sur 2022 et 2023, avec, au préalable, permis d’urbanisme et recherche des intrants (eau, gaz, électricité). Concrètement, trois noues successives ont été creusées, séparées entre-elles par des barrages disposant d’un trop-plein en forme de V. Au bout du cheminement, un bassin étanche réceptionne les eaux, auquel s’adjoint une zone supplémentaire avec capacité d’infiltration en cas de débordement. L’ensemble possède un volume global de retenue de 226 m³ (dont 70 m³ permanent pour le bassin final). Les noues ont été conçues avec des angles en pente douce pour apporter une plus grande capacité de retenue, une stabilité accrue de l’ouvrage et une plus forte évaporation. Bilan neutre : les terres excavées ont toutes été réutilisées sur place et les berges des noues ont été semées avec un mélange d’espèces prairiales.

  Barrage separant les differentes noues avec une surverse en V

Barrage séparant les différentes noues avec une surverse en V

A la base, il a été estimé qu’un événement pluvieux d’une période de retour de 100 ans apporterait un volume de 140 m³ d’eau dans les noues. Mais, dès le mois de janvier 2023, l’ensemble était déjà complètement rempli d’eau. Ce qui laisserait supposer que les données sur les périodes de retour seront à revoir car devenues obsolètes en lien avec le changement climatique (intensification des pluies). Une autre erreur de conception a été commise, au niveau de l’arrivée des eaux de ruissellement dans les noues. Celle-ci se fait par un collecteur souterrain qui, malheureusement, est vite colmaté par des déchets et des feuilles mortes, déviant ainsi le flux en surface vers le réseau d’égouttage de l’Avenue de la Faculté. Pour pallier ce problème, une bordure sera bientôt construite pour rediriger ce ruissellement de surface vers les noues.

Dans ces dernières, Il a également été constaté qu’une noue peut se vider très rapidement, tandis qu’une autre peut rester sous eau durant plusieurs jours voire semaines. Ce qui laisse supposer que des sols filtrants vs des sols faiblement filtrants peuvent coexister sur de très courtes distances. D’ailleurs, sur la carte géologique, qui n’est toutefois pas d’une précision suffisamment fine pour ce type d’aménagement, on remarque deux types de sols limoneux à proximité du site. Des comportements très différents d’infiltration sont donc observés entre chacune des 3 noues, ce qui se remarque également au travers de la végétation qui s’y développe.

Vue densemble de la premiere noue ainsi que de lauditoire exterieur en bois Vue du bassin final avec sa petite zone de debordement contigue
Vue d'ensemble de la première noue, ainsi
que de l'auditoire extérieur en bois
Vue du bassin final avec sa petite zone de débordement contigue

Dans le cadre du projet, et afin de mieux documenter les mécanismes en jeu sur ce site-atelier, toute une série de mesures sont prises par des capteurs et des sondes pour déterminer l’évaporation de l’eau dans le bassin permanent et les noues, l’infiltration dans les noues, les volumes et la hauteur d’eau à chaque barrage, le comportement de l’eau en fonction des différentes plantes présentes, la croissance des arbres, etc. Toutes les données ainsi obtenues seront accessibles pour des travaux ou des publications à venir.

Enfin, pour clore l’aménagement paysager et la biodiversité du site, il est encore prévu prochainement des plantations d’arbres et d’une haie. Une prairie fleurie est déjà en place sur le terrain, avec une tonte réalisée uniquement pour ménager un chemin. Cela rentre dans le cadre du plan de gestion différencié de tous les espaces verts de l’Université.
Visible sur les photos, un auditoire en plein air a aussi été construit en vue d’accueillir des cours extérieurs.

Pour en savoir plus sur la gestion alternatives des eaux pluviales en zones urbanisées :

Référentiel « gestion durable des eaux pluviales », SPW territoire, juin 2023

Gestion durable de l’eau à Jodoigne, B. Maréchal, décembre 2022

Gérer ses eaux pluviales en milieu urbain, CR Senne, 2018

Retour sur le colloque « Eaux pluviales », CRDG, avril 2015

Techniques alternatives des gestion des eaux pluviales en projets urbanistiques en Wallonie, G. van der Vaeren, JNC International, décembre 2014

60 projets de gestion des eaux pluviales dans l’espace public en milieu urbain, Ch. Piel, Composante urbaine, décembre 2014

la gestion durable et intégrée des eaux pluviales (boîte à outils des techniques alternatives), M. Ancelle, ADOPTA, décembre 2014

Tous les documents relatifs au colloque « Gestion des eaux pluviales dans les agglomérations », le 9 décembre 2014 à Waterloo