Micro donc très petit, mais grandes sont leurs conséquences néfastes sur tous les écosystèmes. Notre société en produit de plus en plus mais elle ne pense pas toujours à la façon d’éliminer ces substances.
Dans l’eau, dans l’air, dans la terre, on les retrouve partout. Le jeune réseau de l’assainissement durable propose une solution avec notamment le procédé de compostage et quelques pistes d’avancées juridiques souhaitables.
Cet article incite à la réflexion, c’est un pas dans le bon sens…
Les micropolluants. De quoi parle-t-on exactement ? De tout et de presque rien. Ils sont partout, dans l’air, le sol, l’eau, mais ne représentent que peu de choses. La particularité du micropolluant : un effet délétère à très faible concentration – et nous ne décrirons pas ici en détail tous les effets potentiels sur l’écosystème, mais c’est du lourd comme les métaux du même nom : cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques (toxique pour la reproduction), neurotoxiques, tératogènes (développement anormal de l’embryon), perturbateurs endocriniens (système hormonal), ... Une abondante littérature y est consacrée.
Parmi les « contaminants d’intérêt émergent [1] », on retrouve une foule de composés : les résidus de médicaments et drogues excrétés par les urines, les hydrocarbures divers relâchés par l’industrie et le trafic automobile, ou fumés à l’allumage d’une bonne clope, le bisphénol des biberons et les phtalates (assouplissant du plastique), les dioxines issues de la combustion, les antibactériens (triclosan par exemple, particulièrement d’actualité [2]), les pesticides, les principes actifs des détergents, les métaux et métalloïdes divers glissés dans les crèmes de soin, les colorants ou les écrans et GSM (« terres rares »), ou simplement dans la construction (toits, canalisations, ...), des solvants en quantité dans les peintures, les encres, les colles, les bombes aérosols, les parfums d’ambiance, les diffuseurs anti-moustiques, etc. Et les nanoparticules sont annoncées en grande pompe. On le découvre, le micropolluant, c’est le petit plus qui fait le progrès, dont il est difficile de se passer. Nombre de ces molécules – dont beaucoup sont des xénobiotiques (étrangères à la biosphère) – sont tôt ou tard dispersées dans cette biosphère.
Intéressons nous à l’eau ; on retrouve logiquement une forte micropollution dans les égouts de la ville (voir à ce sujet le dossier « micropolluants et eaux usées : les résultats du projet Amperes », TSM N°1/2 2011), que ce soit par la collecte des eaux de pluie qui nettoient les chaussées ou simplement par l’eau usée sortant de nos maisons. La station d’épuration n’est pas sans effet, les procédés classiques élimineraient de l’ordre de 70 % de cette charge en micropolluants ; mais tout ce qui est éliminé n’est pas nécessairement dégradé, une fraction s’accumule dans les boues d’épuration.
Les micropolluants survivants se divisent donc en deux flux. Le premier rejoint la rivière, la mer, l’océan, profite aux crustacés, larves, poissons et revient inexorablement sous une forme ou l’autre dans notre assiette. Cette loi cyclique implacable – dite aussi principe du boomerang, tout revient et plus on lance fort, plus cela revient vite – fut subie par les habitants et les chats de Minamata au Japon dans le milieu du siècle passé : pendant 20 ans, ils ont savouré du poisson contaminé au mercure [3] par les rejets en mer d’une usine de fabrication de solvants ; le cas est resté célèbre et a grandement contribué à l’intérêt que l’on porte actuellement aux micropolluants. Plus douce et plus près de nous la féminisation des poissons est un autre exemple (voir « les effets de la pilule sur les poissons », EAWAG news 53), de là à généraliser à l’homme ...
L’autre partie du flux se concentre dans les boues d’épuration, principalement les métaux et les composés organiques peu solubles (PCB, dioxines et hydrocarbures) ; boues qui sont épandues en agriculture ou brûlées. A ce niveau, de la nuance dans le débat est bienvenue : à l’exception du plomb, du mercure et du cadmium, les autres métaux que l’on rencontre habituellement dans les boues sont des oligo-éléments nécessaires à la vie animale et végétale ; la majorité des lots de boues ne sont pas aussi contaminés que les discours alarmistes de certains le laissent entendre et en termes de flux, les boues sont loin d’être la source principale d’apport de micropolluants sur les sols (les dépôts atmosphériques y contribuent grandement, effet boomerang toujours) ; enfin le sol est un réacteur biologique complexe qui favorise la dégradation des micropolluants organiques, même ceux considérés comme persistants. N’empêche, on aimerait bien appliquer le principe de précaution, et par exemple tout brûler ... Mais qui veut habiter à coté d’un incinérateur ? On repart vers une contamination atmosphérique potentielle, vers une concentration de métaux dans des cendres dirigées vers des décharges, ...
Le problème est complexe ; on a beau le tourner et le retourner, la solution se trouve en grande partie dans des limites mises à la production et à la consommation en amont des égouts (un embryon avec la directive européenne REACH ?).
Que peut apporter l’assainissement durable dans ce bourbier ? D’abord du préventif, une consommation frugale en micropolluants ; on parle ici d’une prise de connaissance, de conscience et d’une transformation du rythme de vie, une vie simple (micro)pollue moins. En curatif, il existe une pratique reconnue comme efficace pour magnifier la dégradation des micropolluants organiques : le compostage [4] ; qui est aussi un maillon fort de l’assainissement durable, déjà appliqué au niveau individuel (toilette à litière biomaitrisée, toilette à compost, ...).
Au niveau collectif, une refonte radicale de la manière de concevoir l’assainissement est souhaitable : séparation à la source des eaux grises, épurées localement et infiltrées dans le sol préférentiellement à un rejet en rivière (en tant que réacteur biologique, le sol a une action sur les micropolluants organiques) ; et imprégnation/compostage des excréments, avec transport dans de très faibles flux d’eau si nécessaire.
Dans l’intervalle, le compostage des boues d’épuration est une option. Reste aussi la micropollution importante - mais essentiellement due à quelques métaux lourds (zinc, cuivre et plomb) et aux hydrocarbures - charriée vers les rivières lors d’épisode pluvieux ... Vu le développement des surfaces bitumées, cela fait beaucoup d’eau à gérer en quantité et qualité ; mais des techniques alternatives de stockage/traitement sont à l’étude ou déjà mises à l’épreuve (bassins végétalisés, filtres plantés, lagunage, massifs filtrants, ...[5]).
Retenons de tout cela qu’on a la micropollution qu’on mérite. Croire qu’on la maitrisera dans tous les compartiments de l’environnement est illusoire. Et avant d’être nocive pour l’homme, cette micropollution attaque de front la biodiversité. Un peu d’assainissement durable ne saurait donc pas faire de tort autant par les techniques utilisées que par le renvoi aux citoyens et aux politiques du devoir d’en débattre : s’en défaire ou l’accepter ?
Là-dessus, je rallume un mégot et j’enfourche mon vélo.
Tout comme le tout à la poubelle évolue vers du tri sélectif, il nous parait intéressant de faire évoluer le tout à l'égout. Actuellement cependant, la législation empêche de nombreuses innovations par des textes très spécifiques et ayant pris le parti de techniques, méthodologies en lieu et place d'objectifs de résultats.
Le dernier alinéa de l'article 3 de la directive européenne 271/91 n'a d'ailleurs pas été recopié : «Lorsque l'installation d'un système de collecte ne se justifie pas, soit parce qu'il ne présenterait pas d'intérêt pour l'environnement, soit parce que son coût serait excessif, des systèmes individuels ou d'autres systèmes appropriés assurant un niveau identique de protection de l'environnement sont utilisés».
Il nous parait actuellement urgent de reconnaître l'existence de différents types d'eaux usées. Ainsi, les eaux noires (ou vannes) issues des toilettes à chasse d'eau sont riches en azote, phosphore et contiennent la majorité des pathogènes. Les eaux grises (eaux usées sans les eaux noires) sont faiblement chargées de pollution et bien que représentant 70% de nos rejets, elles s'assainissent très facilement.
Il est donc essentiel de voir apparaître en plus de l'équivalent-habitant (quantité de rejets en eaux usées moyens pour une personne), la notion d'équivalent-habitant en eaux grises. Car ce faisant, toutes les personnes/organismes qui décideront de valoriser leurs eaux noires (voir leur pré-compost [dans le cas d'une toilette sèche à litière]) seront enfin soutenus.
En effet, le traitement sélectif induit des surfaces moins grandes et des technicités moins complexes. La revalorisation est plus facile lorsque les flux sont spécifiques et que les filières sont autorisées.
L'appel du pied étant ici fait à l'AFSCA qui à juste titre veille à notre santé mais ne devrait pas être trop protectionniste quand il s'agit de fermer des cycles indispensables à la production durable de notre alimentation.
Au sein du réseau, nous sommes positifs, s'il est vrai que les pouvoirs publics auraient pu faire plus, ils ont déjà fait pas mal. Et nous nous réjouissons qu'ils soient ouverts aux suggestions. Notre réseau travaille en ce sens avec une nouvelle vision [de nouveaux paradigmes pour l'assainissement durable] déjà partagée avec nos lecteurs et prochainement sur le site (en construction) et un projet de loi (à affiner).
Pour boucler la boucle, en termes juridiques et micropollution, il pourrait être intéressant, que plus d'externalités environnementales soient intégrées aux prix des produits destinés à nos eaux usées (savons, détergents,...). à l'image de la taxe « Recupel » qui prend en compte les frais de traitement des futurs déchets électro-ménagers, une taxe « Epur » pourrait financer les véritables coûts de l'assainissement.
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