Les poissons de nos rivières
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Publié le mercredi 5 juin 2024 00:00
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Beaucoup pensent qu’il n’y a plus de poissons dans nos rivières en Dyle-Gette.
Que nenni ! Ils sont revenus, mais leur (sur)vie reste fragile. En cause : les trop nombreuses pressions anthropiques qui sévissent encore sur nos rivières.
Quels sont-ils en Dyle-Gette ?
Les informations disponibles sur base du total de 146 pêches électriques effectuées entre 1976 et 2018 sont les suivantes :
- 29 espèces de poissons sont présentes en Dyle-Gette (sur un total de 57 espèces de poissons présentes en Wallonie)
- 23 espèces indigènes sont présentes en Dyle-Gette (sur un total de 32 espèces indigènes en Wallonie)
- 6 espèces exotiques sont présentes en Dyle-Gette (sur un total de 25 espèces exotiques en Wallonie)
Tenant compte du contexte peu favorable pour le sous-bassin Dyle-Gette (voir plus bas), on aurait pu s’attendre à une situation plus catastrophique sur le plan des populations piscicoles en place chez nous. C’est donc plutôt une bonne nouvelle...
Les espèces les plus abondantes sont l’épinoche, la loche franche, le chabot, le goujon, le gardon et le pseudorasbora (exotique) : ces 6 espèces se partagent en effet à elles seules 96% de la quantité totale de poissons prélevés. Les 23 autres espèces correspondent aux 4 autres % (ex : la truite fario, la perche, l’anguille, le brochet ...).
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Epinoche en livrée nuptiale |
Chabot dans l’Orne à Court-St-Etienne |
Brochet dans la Lasne à Rixensart |
Goujon |
Chaque espèce a son écologie propre pour un développement optimal : tantôt un substrat sablonneux ou pierreux, tantôt un taux d’oxygène plus ou moins haut, ou encore une tolérance variable à la pollution de l’eau. Par exemple : l’épinoche est le dernier bastion vivant de la population piscicole d’une rivière fortement polluée. Son absence dans un secteur prospecté signifie que le cours d’eau est quasi mort biologiquement.
Dans notre sous-bassin Dyle-Gette, on retrouve des poissons plutôt adaptés à des rivières au profil sablo-limoneux à faible pente.
La Thyle, rivière typique en Dyle-Gette
Pour découvrir les spécificités de ces espèces :
- « »
- « »
- La Maison wallonne de la pêche
Quelle méthode d’inventaire ?
En collaboration avec des unités universitaires spécialisées et le Service de la pêche du Service Public de Wallonie, des pêches électriques sont régulièrement organisées pour recenser les populations piscicoles (nombre d’espèces présentes et nombre d’individus).
Inoffensive (malgré son nom), cette technique induit un faible courant électrique dans l’eau, qui engourdit les poissons présents. Il reste alors à les prélever, observer, identifier, mesurer et peser .... et les rendre ensuite à leur milieu naturel.
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Pêche électrique dans la Grande Gette à Jodoigne |
Pêche électrique dans l’Orne à Court-St-Etienne |
Une anguille capturée dans la Néthen à Grez-Doiceau |
Pêche électrique dans la Petite Gette à Orp-Jauche |
Les résultats des pêches électriques reflètent la qualité de l’écosystème. Elles sont utiles pour recueillir plusieurs informations :
- la qualité biologique et physico-chimique de la rivière, principalement liée aux infrastructures d’assainissement des eaux usées qui sont en place. Par exemple, grâce à la mise en place de la station d’épuration de Chastre, on a dénombré pas mal de chabots (espèce sensible) dans l’Orne à Chastre
- la qualité physique de la rivière (état du lit mineur, des berges et des rives). Plus elle présente une taille importante et des caractéristiques diversifiées (sinuosité du tracé, hauteur et vitesse de la lame d’eau, matériaux de composition du lit, berges naturelles, végétation aquatique...), plus on trouve d’espèces différentes. C’est ainsi que des truitelles fario sauvages ont été découvertes dans le Ry Sainte-Gertrude à Court-St-Etienne.
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La Dyle présente un beau profil naturel dans sa partie aval (Grez-Doiceau) |
Le Ry Saint-Gertrude, petit affluent forestier de la Thyle, est préservé de toute agression humaine |
- l’ampleur du développement des espèces exotiques envahissantes (voir plus bas)
- le meilleure connaissance de la vie piscicole du cours d’eau avant d’envisager tout projet de réempoissonnement destiné à reconstituer des populations.
Des poissons en sursis ?
N’ayons pas peur du mot...il faut à nos poissons un moral d’acier pour survivre aux nombreuses pressions humaines qui pèsent sur la rivière. Pour n’en citer que quelques-unes :
- perte d’habitats : rectification des tracés, artificialisation des berges et homogénéisation des écoulements. Ce phénomène est surtout présent dans les traversées d’agglomérations, mais nos cours d’eau ont aussi perdu de leur caractère sauvage dans les zones moins urbanisées.
La Dyle dans la traversée de Wavre est fort artificialisée
- obstacles aux déplacements : les chutes d’eau (souvent infranchissables pour les poissons) proviennent principalement d’anciens ouvrages hydrauliques (vannes de régulation du débit, vannes de remplissage d’étangs, biefs de moulins) et, plus récemment, de microcentrales hydro-électriques. La plupart de ces dernières doivent être dotées d’aménagements (passes à poissons, rivières de contournement) pour rendre possible le déplacement des poissons.
Seuil difficilement franchissable sur la Dyle à Court-St-Etienne
- colmatage du lit (apport de boues dans la rivière) : principalement causé par l’érosion des sols, les coulées de boue et les terrassements /remblais riverains. Cette matière (limon) se dépose dans le lit de la rivière, formant une couche uniforme sur les différents substrats (gravier, rocher, végétation...), ne permettant plus aux poissons de frayer, se cacher et se nourrir.
- pollution chimique et organique : la pollution chimique provient essentiellement de rejets industriels, de fuites de mazout (citernes) et de pulvérisation d’herbicides (agricoles et domestiques). La pollution organique provient des égouts publics et des rejets directs des habitations riveraines (encore trop nombreux chez nous !), ainsi qu’à l’épandage d’engrais mal géré.
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Pollution sur la Grande Gette à Jodoigne |
Pollution sur la Nethen à Beauvechain |
- sécheresse : durant l’été, les températures de plus en plus élevées associées à un déficit de pluviométrie engendrent des périodes d’étiage récurrentes, mettant en souffrance les organismes aquatiques : lame d’eau très basse, élévation de la température de l’eau qui provoque une diminution de l’oxygène dissous, concentration des polluants...
- destruction des ripisylves : les ripisylves sont les bandes boisées situées le long des rivières (zones forestières ou simples alignements d’arbres). Elles jouent un rôle-clé dans la dynamique de la rivière : infiltration des eaux de ruissellement en provenance des rives pentues, rôle tampon vis-à-vis des agressions extérieures, stabilisation des berges, absorption des crues, caches et frayères (racines) pour les poissons, ombrage estival, apport en matières organiques, faune et flore de transition entre milieux aquatiques et terrestres ...
- menaces par les espèces de poissons exotiques : en Dyle-Gette, les espèces exotiques suivantes ont déjà été observées : perche-soleil, pseudorasbora, gibèle, truite arc-en-ciel (réempoissonnements), carpes koï et herbivore. Il s’agit souvent d’espèces territoriales et agressives qui rentrent en concurrence avec les espèces indigènes (accès à la nourriture, prédation...). Notons aussi la présence d’espèces d’écrevisses exotiques :
Que pouvons-nous faire ?
- diversifier les habitats : la pose d’enrochements ou de cascatelles dans le lit, le recours aux techniques végétales ou mixtes pour renaturer les berges, la reméandration du cours d’eau ..... sont autant d’aménagements et de dispositifs propices à la diversification des milieux de vie.
Plus une rivière est naturelle, plus elle présente une diversité de profils (seuils, mouilles, méandres, vitesse variable, dépôts de sédiments, érosions de berges...), plus un grand nombre d’espèces végétales et animales pourront se développer, créant ainsi des réseaux alimentaires de plus en plus complexes (certains poissons recherchent la végétation aquatique, d’autres sont friands d’invertébrés aquatiques).
Reméandration de la Lasne à Rixensart
Pour en savoir plus : « »
- lever les obstacles : l’arasement ou le contournement de chutes d’eau est nécessaire pour favoriser la circulation des poissons et le redéploiement des populations. Ces travaux sont à charge des différentes administrations publiques gestionnaires des cours d’eau.
Suppression d'une chute sur la Dyle à Wavre
- aménager des frayères et des caches : si une rivière naturelle présente beaucoup de secteurs favorables aux poissons, une rivière artificialisée (comme il en existe pas mal en Dyle-Gette) peut être aménagée ponctuellement au moyen de divers dispositifs : paniers végétalisés, risbermes, recharge du lit en granulats, pose de cascatelles ...
Les zones humides (marais, plans d’eau, bras morts...) sont le plus souvent séparées spatialement des cours d’eau. Leur reconnexion aux cours d’eau constitue une autre piste à encourager pour favoriser le développement des populations piscicoles.
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Pose de risbermes sur la Dyle à Ottignies |
Pose de paniers végétalisés sur la Grande Gette à Jodoigne |
Radeau végétalisé sur le Grand étang à La Hulpe |
Recharge granulométrique sur le Train à Chaumont-Gistoux |
Pour en savoir plus :
- recréer des cordons arborés rivulaires : la reconstitution des ripisylves (bandes boisées le long des cours d’eau).
Plus de détails sur Guide d'entretien des ripisylves
- réempoissonner durablement : réempoissonner ne suffit pas, il est essentiel de le faire avec des espèces adaptées aux différents profils de la rivière pour leur laisser une chance de coloniser tout le linéaire.
Par exemple :
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Réempoissonnement ciblé en truitelles fario sur le Train à Grez-Doiceau |
Réempoissonnement en civelles (jeunes anguilles) sur la Thyle à Villers-la-Ville |
- et bien sûr achever les programmes de mise en service des dernières stations d’épuration en Dyle-Gette.
Mais aussi, veiller au raccordement de toutes les habitations au réseau d’égouttage : il s’agit d’une obligation légale pour toute habitation riveraine située en zone d’assainissement collectif au plan PASH.